La femme est la dernière chose…

par | Publié le 03.07.2025, mis à jour le 04.07.2025 | Femme

«

La femme est la dernière chose que Dieu a faite. Il a dû la faire le samedi soir. On sent la fatigue.

»

Cette citation d’Alexandre Dumas fils figure dans bien des recueils et sur bien des sites Internet. Est-elle pour autant authentique ? Le fait qu’elle apparaisse avec un nombre élevé de petites variations la rend déjà suspecte. Prenons la version du Bouquin des citations :

La femme, dit La Bible, est la dernière chose que Dieu ait faite. Il a dû la faire le samedi soir : on sent la fatigue.

ALEXANDRE DUMAS FILS, Pensées.

Claude Gagnière, « Femme », dans Le Bouquin des citations.

On a déjà une source, les Pensées. Seul un ouvrage publié du vivant de Dumas porte ce titre, Pensées de la solitude, et notre bon mot n’y figure pas1. Il faut donc chercher ailleurs. La plus ancienne trace dudit mot, déjà attribué à Dumas, apparaît en 1882 dans Le Figaro :

La femme est, évidemment, un être inférieur2. Ce n’est qu’après l’avoir faite, au bout de six jours de création, que le bon Dieu s’est reposé… On sent la fatigue.

Le Masque de fer, « Nouvelles à la main », Le Figaro, 29 mai 1882, p. 1.

Si le fond est semblable à celui de notre citation, la forme est assez différente. L’injure affleure au détriment de l’humour. On est loin de la subtilité de la formule d’aujourd’hui. L’échotier du journal, sous le pseudonyme du Masque de fer, la qualifie pourtant de « jolie boutade ». Soit ; mais est-elle bien de Dumas ? C’est ce dernier lui-même qui nous livre la réponse dans un de ses articles :

C’est probablement ce qui faisait dire à un de mes amis : « L’Écriture affirme que la femme est la dernière chose que Dieu ait faite ; il a dû la faire le samedi soir ; on sent la fatigue. »

Alexandre Dumas fils, « Une volée de paradoxes », Les Lettres et les arts, p. 147.

Nous pouvons conclure en disant que la citation n’est pas de Dumas, mais qu’elle a dû être créée à son époque sous des formes moins convenables.

Notes

1. Il ne se relève pas plus dans Pensées et Paradoxes, ouvrage posthume édité par Henri Goudchaux.

2. Dumas est considéré comme le premier à avoir utilisé le mot féministe au sens moderne. Dans L’Homme-femme, il écrivait :

« Les féministes, passez-moi ce néologisme, disent, à très-bonne intention d’ailleurs :

» Tout le mal vient de ce qu’on ne veut pas reconnaître que la femme est l’égale de l’homme et qu’il faut lui donner la même éducation et les mêmes droits qu’à l’homme ; l’homme abuse de sa force, etc., etc. Vous savez le reste. Nous nous permettrons de répondre aux féministes que ce qu’ils disent là n’a aucun sens. La femme n’est pas une valeur égale, supérieure ou inférieure à l’homme, elle est une valeur d’un autre genre, comme elle est un être d’une autre forme et d’une autre fonction. »

Alexandre Dumas fils, L’Homme-femme, p. 91-92.

Sources

  • Bloch (Oscar) et Wartburg (Walther von), Dictionnaire étymologique de la langue française, 4e éd. revue et augmentée, Paris, Presses universitaires de France, DL 1964.
  • Castans (Raymond), Le Grand Dictionnaire des mots d’esprit, Paris, Librairie générale française (coll. « Le Livre de poche »), DL 1998.
  • Duhamel (Jérôme), Le Grand Méchant Dictionnaire : mille mauvais esprits célèbres, deux mille victimes, quatre mille vacheries, bons mots assassins, perfidies, vilenies, coups de gueule, mauvaises pensées, insolences, ricanements et volées de bois vert, Paris, Seghers, DL 1985.
  • Dumas fils (Alexandre), « “La femme est la dernière chose que Dieu a faite. Il a dû la faire le samedi soir. On sent la fatigue” », « 30 citations sur les 7 jours de la semaine », « Citations », Le Figaroscope [en ligne], s. d. [consulté le 2 juillet 2025].
  • Dumas fils (Alexandre), L’Homme-femme : réponse à M. Henri d’Ideville, Paris, Michel Lévy frères, 1872.
  • Dumas fils (Alexandre), « Une volée de paradoxes », Les Lettres et les Arts : revue illustrée, 1886, vol. I, p.  145-161.
  • Dumas fils (Alexandre), Pensées de la solitude, Paris, Calmann-Lévy, 1891.
  • Dumas fils (Alexandre), Pensées et Paradoxes, éd. Henri Goudchaux, Paris, Philippe Renouard, 1902.
  • Gagnière (Claude), Le Bouquin des citations : 10 000 citations de A à Z, Paris, Robert Laffont (coll. « Bouquins »), DL 2001.
  • Marcade (Auguste), « À travers les revues : une volée de paradoxes », Le Figaro : supplément littéraire, 13 février 1886, p. 27.
  • Mativat (Daniel) et Vachon (Louis), Dictionnaire de pensées politiquement tordues : un pavé dans la mare, Montréal (Québec), Triptyque, DL 1997.

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