Variété, c’est…

par | Publié le 09.09.2024, mis à jour le 09.09.2024 | Diversité

«

Variété, c’est ma devise.

»

Si l’on en croit le Dictionnaire de citations françaises, cette phrase est de Voltaire et vient de sa correspondance. En consultant l’édition de Kehl de la correspondance générale de l’écrivain, on la trouve en effet dans une lettre de 1750 adressée à Mme Denis1. Cependant, des recherches effectuées par Jean Nivat et approfondies par André Magnan ont montré que cette lettre ainsi que d’autres ont été fabriquées par Voltaire et constituent une œuvre appelée Paméla. Celle-ci consiste en un recueil d’une cinquantaine de lettres, écrites à la manière du roman épistolaire de Samuel Richardson et destinées à relater le séjour de l’écrivain en Prusse entre 1750 et 1753.

Quoique notre formule ne vienne pas de la correspondance de Voltaire, on pourra objecter qu’elle est néanmoins bien de lui. Pas tout à fait. Il se pourrait qu’il l’ait empruntée consciemment ou inconsciemment à Jean de La Fontaine. Dans le conte « Pâté d’anguille », celui-ci écrivait déjà :

Diversité c’est ma devise2.

Jean de La Fontaine, « Pasté d’anguille », dans Nouveaux Contes, p. 111.

Ce vers deviendra d’ailleurs l’épigraphe de la célèbre revue Mercure de France en janvier 1755.

Notes

1. Lettre CCXCVIII à Madame Denis, à Paris, 26 décembre 1750, dans Recueil des lettres : correspondance générale, vol. II. « Mme Denis, née Marie-Louise Mignot, est la nièce (et la maîtresse) de Voltaire.

2. Dans son édition de Paméla, Jonathan Mallinson note : « Voltaire alludes to La Fontaine, Contes, 4 : 11 : “Diversité, c’est ma devise” (“Pâté d’anguille”, line 4) but gives it a special relevance. The conte tells of a valet who adopts the inconstant lifestyle of his master, who has seduced his valet’s wife; having suffered the changing allegiances of the king, Voltaire implicitly lays claim to his own independence and right to find other sources of consolation » (« Voltaire fait allusion à La Fontaine, Contes, IV, 11 : “Diversité, c’est ma devise” (“Pâté d’anguille”, ligne 4), mais lui donne une résonance particulière. Le conte relate l’histoire d’un valet qui adopte le mode de vie inconstant de son maître, lequel a séduit la femme de son valet ; après avoir subi les allégeances changeantes du roi, Voltaire revendique implicitement sa propre indépendance et son droit à trouver d’autres sources de consolation ») [Voltaire, « Paméla », « Mémoires pour servir à la vie de M. de Voltaire, écrits par lui-même », p. 119, n. 12 ; notre trad.].

Sources

  • Dictionnaire de citations françaises, sous la dir. de Pierre Oster, Paris, Le Robert (coll. « Les Usuels du Robert »), DL 1982.
  • La Fontaine (Jean de), Nouveaux Contes, Mons, Gaspar Migeon, 1674.
  • La Fontaine (Jean de), Contes et nouvelles, nouvelle éd. revue et augmentée, 3 vol., éd. Henri Régnier, Paris, Hachette et Cie (coll. « Les Grands Écrivains de la France »), 1887-1890 ; Œuvres, vol. IV-VI.
  • Magnan (André), « Pour saluer “Paméla” : une œuvre inconnue de Voltaire », Dix-Huitième Siècle, 1983, no 15 (« Aliments et cuisine »), p. 357-368.
  • Mercure de France : dédié au Roy, janvier 1755.
  • Nivat (Jean), « Quelques énigmes de la correspondance de Voltaire », Revue d’histoire littéraire de la France, 1953, 53e année, p. 439-463.
  • Voltaire, Recueil des lettres : correspondance générale, 12 vol., [Kehl], Imprimerie de la Société littéraire typographique, 1785 ; Œuvres complètes, vol. LII-LXIII.
  • Voltaire, Romans et contes en vers et en prose, éd. Édouard Guitton, [Paris], Librairie générale française (coll. « Le Livre de poche », « La Pochothèque », série « Classiques modernes »), DL 1994.
  • Voltaire, L’Affaire Paméla : lettres de M. de Voltaire à Mme Denis, de Berlin, éd. André Magnan, Paris, Paris-Méditerranée, DL 2004.
  • Voltaire, « Paméla », « Mémoires pour servir à la vie de M. de Voltaire, écrits par lui-même », éd. Jonathan Mallinson, Oxford, Voltaire Foundation, 2010 ; Œuvres complètes, vol. XLV C.

Mots-clés

Citations vérifiées