L’asperge est…

par | Publié le 07.05.2023, mis à jour le 10.01.2024 | Légumes

«

L’asperge est le poireau du riche.

»

Cette citation se trouve dans l’ouvrage Pensées, Répliques et Anecdotes (p. 27), sans précision sur les circonstances dans lesquelles Francis Blanche l’aurait prononcée. De surcroît, ce dernier n’est pas le créateur de notre formule puisque l’on relève dès 1929 (alors que Blanche n’avait que 8 ans), sous la plume de Louise Deflacelière, membre du comité de la Société végétarienne de France :

Le poireau, méprisé pour son humilité, dédaigné comme un vieillard à tête blanche et chevelu, qui radote, traité d’asperge du pauvre alors qu’il serait plus juste de traiter l’asperge de poireau du riche si la valeur dépendait des qualités et non des préjugés.

Louise Deflacelière, Cures de légumes, p. 54.

Dans son Grand Méchant Dictionnaire, Jérôme Duhamel, qui attribue notre citation à Blanche, prétend que la formule inverse, mentionnée par Mme Deflacelière, « Le poireau, c’est l’asperge du pauvre », est due à Alexandre Dumas. Celui-ci étant l’auteur d’au moins 301 volumes, il est difficile de le vérifier. Pourtant, grâce à Internet et à la consultation de l’intégralité de ses œuvres, on peut affirmer que cette dernière citation n’est pas de lui. L’emploi de asperge du pauvre pour désigner le poireau est attesté de manière incontestable dans un livre de cuisine de Jenny Touzin en 18891.

Poireaux, dits asperges du pauvre

On les mange en asperges ou au beurre. Il faut de beaux poireaux blancs et tendres. On les fait cuire à l’eau et au sel, on les égoutte. En asperges, on les sert sur un plat, étant chauds avec l’huilier. Au beurre, on met du beurre dans un plat avec sel, poivre, filet de vinaigre ou jus de citron et les poireaux qu’on laisse mijoter un instant.

Jenny Touzin, La Sauce, p. 323.

L’expression asperge du pauvre désigne d’abord des plantes de la famille des chénopodiacées, le bon-henri (1802) et la poirée (1844). C’est peut-être par paronymie que l’on est passé de la poirée… au poireau !

Notes

1. Une attestation de 1880 est douteuse.

Sources

  • Blanche (Francis), Pensées, Répliques et Anecdotes, Paris, Le Cherche midi éditeur (coll. « Les Pensées »), DL 1996.
  • Charvay (Robert), Calendrier de Flore, ou Études de fleurs d’après nature, 2 vol., Paris, Maradan, 1802-1803.
  • Deflacelière (Louise), Cures de légumes, Nemours, Chez l’auteur, impr. 1929.
  • Duhamel (Jérôme), Le Grand Méchant Dictionnaire : mille mauvais esprits célèbres, deux mille victimes, quatre mille vacheries, bons mots assassins, perfidies, vilenies, coups de gueule, mauvaises pensées, insolences, ricanements et volées de bois vert, Paris, Seghers, DL 1985.
  • Dumas (Alexandre), Œuvres complètes, 301 vol., Michel Lévy frères/Calmann Lévy (coll. « Michel Lévy »), 1848-1889.
  • Lemercier de Neuville (Louis), « Les asperges à la Folleté », Le Journal des étrangers, 5 mai 1880, p. [3].
  • Maison rustique du xixe siècle, sous la dir. de Charles-François Bailly de Merlieux, et al., 5 vol., Paris, Bureau du Journal d’agriculture pratique/Librairie agricole, 1835-1844.
  • Touzin (Jenny), La Sauce : la cuisine chez soi, Paris, Félix Brossier, 1889.

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