Quand les bornes sont franchies…

par | Publié le 20.08.2024, mis à jour le 24.08.2024 | Limite

«

Quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites.

»

Selon Le Robert illustré d’aujourd’hui, cette citation est de Pierre Dac. On la trouve effectivement, sous une forme voisine dans des Pensées publiées à titre posthume par Jacques Pessis.

Il est permis de dépasser les bornes, à condition toutefois de rester dans les limites.

Pierre Dac, Arrière-pensées, p. 80.

Si la forme de la pensée de Dac est voisine de notre citation, le sens en est bien différent. Dans la première est illustré un paradoxe, dans la seconde une lapalissade. On ne peut donc attribuer Quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites à l’auteur de L’Os à moelle1.

C’est alors vers Alphonse Allais qu’il faudrait se tourner si l’on en croit le dictionnaire d’Alain Dag’Naud et Olivier Dazat.

Une fois qu’on a passé les bornes, il n’y a plus de limites.

Alphonse Allais, cité dans Alain Dag’Naud et Olivier Dazat, Dictionnaire (inattendu) des citations, 4190.

La citation, classée sous la rubrique « Orgasme » (sic !), n’est malheureusement accompagnée d’aucune référence. Celle-ci étant en outre introuvable dans l’œuvre d’Allais, on ne saurait non plus l’attribuer à l’humoriste normand.

Pourtant, si l’on se projette à une époque bien antérieure, on trouve effectivement notre formule dans une comédie représentée pour la première fois en 1853 :

Quand la borne est franchie, il n’est plus de limite2,

Et la première faute aux fautes nous invite.

François Ponsard, L’Honneur et l’Argent, III, v.

Notes

1. Ce dernier est aussi à l’origine de la formule les limites ont des bornes au sein du savoureux charabia : « La patience a des limites ; les limites ont des bornes ; les bornes ont des oreilles. Et lorsque les oreilles des bornes qui limitent la patience commencent à s’échauffer, c’est le signe infaillible et précurseur de tout ce qui peut se produire non seulement par la suite mais également après coup » (« Assez de fausses promesses », L’Os libre, 7 août 1946, dans L’Os libre : 11 octobre 1945 – 15 octobre 1947, p. 390).

2. Ce vers a vite acquis une certaine notoriété puisque Paul Verlaine le cite dans « Læti et errabundi » (Parallèlement, dans Œuvres poétiques complètes, p. 287). Yves-Alain Favre indique par erreur que la source du poète est la tragédie Charlotte Corday du même Ponsard (ibid., p. 822, n. 2).

Sources

  • Allais (Alphonse), Œuvres posthumes, 8 vol., Paris, La Table ronde, DL 1966-1970.
  • Allais (Alphonse), Œuvres anthumes, Paris, Robert Laffont (coll. « Bouquins »), DL 1995.
  • Allais (Alphonse), Œuvres complètes [ePub], sous la dir. d’Isabelle Logan, Arvensa éditions, [2016].
  • Dac (Pierre), Arrière-pensées : maximes inédites, éd. Jacques Pessis, Paris, Le Cherche midi éditeur (coll. « Les Pensées »), cop. 1998.
  • Dac (Pierre), L’Os libre : 11 octobre 1945 - 15 octobre 1947 [PDF], éd. Jacques Pessis, [Paris], Omnibus, cop. 2015.
  • Dag’Naud (Alain) et Dazat (Olivier), Dictionnaire (inattendu) des citations, [Bagneux], Le Livre de Paris / [Paris], Hachette, 1983.
  • Dournon (François), Dictionnaire des mots et formules célèbres, Paris, Dictionnaires Le Robert (coll. « Les Usuels »), DL 1994.
  • Ponsard (François), L’Honneur et l’Argent : comédie en cinq actes et en vers, 2e éd., Paris, Michel Lévy frères, 1853.
  • Robert illustré d’aujourd’hui (Le), éd. mise à jour en 1997, Paris, France Loisirs, DL 1999.
  • Verlaine (Paul), Œuvres poétiques complètes, éd. Yves-Alain Favre, Paris, Robert Laffont (coll. « Bouquins »), DL 1992.

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