L’argent ne fait pas…

par | Publié le 03.04.2023, mis à jour le 10.01.2024 | Argent

«

L’argent ne fait pas de petits.

»

Cette citation est attribuée à Aristote depuis bien longtemps. Déjà Antonin Rondelet écrivait en 1868 :

Aristote a écrit cette parole si souvent répétée dans l’antiquité et qui, de nos jours, sert encore de texte à certaines déclamations : « Il n’est pas juste que l’homme qui prête une somme d’argent réclame de l’emprunteur plus que ce qu’il a prêté ; l’argent n’est pas comme la génisse, il ne fait pas de petits. »

[…]

Sans doute, à le considérer en lui-même, l’argent ne fait pas de petits ; en ce sens, Aristote a complètement raison. Si l’emprunteur met dans un tiroir la somme qu’on lui a prêtée, il est évident que cette somme n’y produira rien.

Antonin Rondelet, Les Lois du travail et de la production, p. 140.

On ne trouve pourtant pas notre phrase dans l’œuvre du philosophe grec, qui a en fait écrit :

Μεταϐολῆς γὰρ ἐγένετο χάριν, ὁ δὲ τόκος αὐτὸ ποιεῖ πλέον· ὅθεν καὶ τοὔνομα τοῦτ᾿ εἴληφεν· ὅμοια γὰρ τὰ τικτόμενα τοῖς γεννῶσιν αὐτά ἐστιν, ὁ δὲ τόκος γίνεται νόμισμα ἐκ νομίσματος· ὥστε καὶ μάλιστα παρὰ φύσιν οὗτος τῶν χρηματισμῶν ἐστίν.

 

[L’argent] a été fait pour l’échange, alors que l’intérêt le fait se multiplier. Et c’est de là qu’il a pris son nom : les petits, en effet, sont semblables à leurs parents, et l’intérêt est de l’argent né d’argent. Si bien que cette façon d’acquérir est la plus contraire à la nature.

Aristote, Politique, éd. Jean Aubonnet, t. I (« Livres I et II »), I, x, 1258 b, 5 ; trad. Pierre Pellegrin, Les Politiques.

L’adage « L’argent ne fait pas de petits », sans doute issu du latin médiéval, est attesté au xvie siècle sous différentes formes : « pecunia fructum non hab[e]t » (1519), « pecunia fructum non parit » (1549), « pecunia pecuniam parere non potest » (1553), « pecunia pecuniam non parit » (1560)1.

Notes

1. John Major, Joannis Maioris doctoris theologi in Quartum Sententiarum quaestiones utilissimae suprema ipsius lucubratioe enucleatae, p. 164 bis ; Tractatus ex variis juris interpretibus, vol. XVI, p. 80 bis ; Girolamo Bottigella, Repetitionum seu commentariorum, vol. VII, p. 502 ; François Marc, Dn. Franc. Marci decisionum aurearum, vol. I, p. 201 bis.

Sources

  • Aristote, Politique, éd. et trad. Jean Aubonnet, 5 vol., Paris, Les Belles Lettres (« Collection des universités de France »), 1960-1989.
  • Aristote, Les Politiques [ePub], trad. Pierre Pellegrin, nouvelle éd., Paris, Flammarion (coll. « GF »), DL 2015.
  • Bottigella (Girolamo), Repetitionum seu commentariorum : in varia jurisconsultorum responsa, 9 vol., Lyon, Hugues de La Porte/Antoine Vincent, 1553.
  • Major (John), Joannis Maioris doctoris theologi in quartum Sententiarum Quaestiones utilissimae suprema ipsius lucubratione enucleatae, [Paris], Josse Bade, impr. 1519.
  • Marc (François), Dn. Franc. Marci decisionum aurearum, in sacro Delphinatus senatu jampridem discussarum ac promulsatarum, 2 vol., Lyon, héritiers de Jacob Junta, 1560-1564.
  • Rondelet (Antonin), Les Lois du travail et de la production : série de douze conférences professées à Saint-Quentin, éd. Jules Moureau, Paris, Guillaumin et Cie, 1868.
  • Tractatus ex variis juris interpretibus, 18 vol., Lyon, s. n., 1549.

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