La mort est…

par | Publié le 20.02.2023, mis à jour le 07.07.2024 | Mort

«

La mort est un manque de savoir-vivre.

»

On ne trouve cette citation nulle part dans l’œuvre d’Alphonse Allais, pourtant célèbre pour ses aphorismes. Qui en est donc l’auteur ?

Robert Sabatier, à l’article « Apprentissage » de son Dictionnaire de la mort, nous dit :

Pierre Dac a assuré que la mort est un manque de savoir-vivre.

Robert Sabatier, Dictionnaire de la mort, p. 34.

Nous rencontrons en effet dans le manuscrit du feuilleton radiophonique Malheur aux barbus1 le dialogue suivant :

Secrétaire perpétuel. — Quelqu’un a-t-il une définition à proposer pour le mot Mort ?

Un académicien. — Moi !

Secrétaire perpétuel. — Je vous écoute !

Un académicien. — Mort : manque de savoir-vivre !

Pierre Dac et Francis Blanche, Épisode 76 du 11 janvier 1952, dans Malheur aux barbus, p. 469.

C’est cependant dans une plaquette de quatre pages, datable de 1942, que l’on trouve la pensée de Dac exprimée pour la première fois :

La mort, c’est un manque de savoir-vivre2.

Pierre Dac, Pensées et Maximes, p. [1].

Il semble donc établi que ce dernier est le véritable auteur de notre citation. Voire ? Dans les « Pensées profondes » d’un certain Nasturby, on relève dès 1885 :

Je connais quelqu’un qui est mort faute de savoir vivre.

Nasturby, « Pensées profondes », Le Tintamarre, 18 janvier 1885, p. 3.

En remontant le temps, on peut même trouver les origines de ce bon mot au milieu du xixe siècle :

Il faut mettre des formes pour se tuer. Se donner la mort de toute autre façon passerait pour manque de savoir-vivre, dans l’esprit des délicats. Où le savoir-vivre va-t-il se nicher !

Camille de Furth, « Voyage en Chine, au Japon, à l’Amoor et dans la Mantchourie », Nouvelle Revue de Paris, vol. II, p. 541-558.

On a des enterrements parés et coquets ; on exige que la mort ait du savoir-vivre, et l’on enjolive jusqu’au néant.

Alfred Nettement, Études critiques sur le feuilleton-roman, p. 36.

Si Dac a donné à notre aphorisme sa forme la plus aboutie, il a eu bien des inspirateurs !

Notes

1. Ce feuilleton radiophonique de 213 épisodes a été diffusé du 15 octobre 1951 au 28 juin 1952 sur le Poste parisien. Les archives sonores ayant disparu, il ne reste que le manuscrit des auteurs.

2. Elle aura une forme beaucoup plus développée en 1972 : « La mort n’est, en définitive, que le résultat d’un défaut d’éducation puisqu’elle est la conséquence d’un manque de savoir vivre » (Pierre Dac, Les Pensées, p. 48).

Sources

  • Allais (Alphonse), « “La mort est un manque de savoir-vivre” », « 30 citations autour de la mort », « Citations », Le Figaroscope [en ligne], s. d.
  • Dac (Pierre), Pensées et Maximes, Paris, A. Molinier, [1942].
  • Dac (Pierre), Les Pensées, Paris, Éditions Saint-Germain-des-Prés, DL 1972.
  • Dac (Pierre), « La mort n’est, en définitive, que le résultat d’un défaut […] », dans Dicocitations : le dictionnaire des citations [en ligne], Frédéric Jézégou et Dicocitations, cop. 2001-2023.
  • Dac (Pierre) et Blanche (Francis), Malheur aux barbus : feuilleton loufoque diffusé sur le Poste parisien du 15 octobre 1951 au 28 juin 1952, Paris, Omnibus (coll. « Omnibus »), DL 2010.
  • Furth (Camille de), « Voyage en Chine, au Japon, à l’Amoor et dans la Mantchourie », Nouvelle Revue de Paris : lettres, histoire, philosophie, sciences, arts, chronique, 1864, vol. II, p. 541-558.
  • Nasturby, « Pensées profondes », Le Tintamarre, 18 janvier 1885.
  • Nettement (Alfred), Études critiques sur le feuilleton-roman, Paris, Perrodil, 1845.
  • Sabatier (Robert), Dictionnaire de la mort, Paris, Albin Michel, DL 1967.

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