L’un sème…

par | Publié le 03.02.2024, mis à jour le 03.02.2024 | Récolte

«

L’un sème, l’autre récolte.

»

Cette citation est attribuée à Aristophane par le Dictionnaire des proverbes, sentences et maximes, de Maurice Maloux, et divers sites Internet. C’est abusif, car les vers d’Aristophane, sur la forme, sont assez éloignés de notre phrase proverbiale :

Ἀλλ᾿ ὅμως οὗτος τοιοῦτος ὢν ἅπαντα τὸν βίον

κᾆτ᾿ ἀνὴρ ἔδοξεν εἶναι, τἀλλότριον ἀμῶν θέρος.

 

Et cependant, bien qu’il fût tel toute sa vie, il s’est tout de même fait passer pour un homme, en récoltant la moisson d’autrui1.

Aristophane, Les Cavaliers, 391-392.

En réalité, c’est plutôt dans l’Évangile selon Jean qu’il faut trouver la trace de notre dicton :

Ἐν γὰρ τούτῳ ὁ λόγος ἐστὶν ὁ ἀληθινὸς· Ὅτι ἄλλος ἐστὶν ὁ σπείρων καὶ ἄλλος ὁ θερίζων.

 

In hoc enim est verbum verum : quia álius est qui séminat, et álius est qui metit.

 

Car, en ceci, ce qu’on dit est vrai : Autre est celui qui sème, et autre celui qui moissonne.

Jean, iv, 37, dans La Sainte Bible polyglotte, vol. VII (« Nouveau Testament : les quatre Évangiles, les Actes des Apôtres »), p. 424-425.

Notes

1. Il s’agit d’une métaphore filée. Victor Coulon indique que ce passage est une « Allusion à la victoire de Pylos préparée par Démosthène et “récoltée” — nous dirions “soufflée” — par Cléon » (Aristophane, Les Cavaliers, p. 97, n. 2). Le Démosthène en question n’est pas le célèbre orateur et homme politique athénien, mais un général, athénien lui aussi, de la guerre du Péloponnèse. La métaphore de ce qui est récolté sans avoir semé n’est pas rare chez les auteurs grecs de l’Antiquité. Cf. ce passage d’Ino, tragédie perdue d’Euripide :

« βίᾳ νυν ἕλκετ’ ὦ κακοὶ τιμὰς βροτοὶ,
καὶ κτᾶσθε πλοῦτον πάντοθεν θηρώμενοι,
σύμμικτα μὴ δίκαια καὶ δίκαι’ ὁμοῦ·
ἔπειτ’ ἀμᾶσθε τῶνδε δύστηνον θέρος.
 »

« Arrachez donc les honneurs par la violence, mortels pervers, faites la chasse aux richesses par tous les moyens, en mêlant justice et injustice ; après cela récoltez de cette conduite la malheureuse moisson. »

Euripide, Ino, fr. 24, dans Fragments : Bellérophon-Protésilas.

Sources

  • Aristophane, The Knights, éd. Robert Alexander Neil, Cambridge, University Press, 1901.
  • Aristophane, Les Cavaliers, dans Aristophane, éd. Victor Coulon, trad. Hilaire Van Daele, 8e tir. revu et corrigé, Paris, Les Belles Lettres (« Collection des universités de France »), 1964, vol. I (« Les Acharniens, Les Cavaliers, Les Nuées »).
  • Euripide, Fragments : Bellérophon-Protésilas, éd. et trad. François Jouan et Herman Van Looy, Paris, Les Belles Lettres (« Collection des universités de France »), 2000 ; Euripide, vol. VIII, 2e partie.
  • Maloux (Maurice), Dictionnaire des proverbes, sentences et maximes, Paris, Larousse (coll. « Références Larousse », série « Langue française »), DL 1980 (éd. 1991).
  • Sainte Bible polyglotte (La), éd. Fulcran Vigouroux, trad. Jean-Baptiste Glaire, 8 vol., Paris, A. Roger et F. Chernoviz, 1900-1909.

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